CUT !

Publié le par Simon.Van

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Voilou, examens terminés, vie de stagiaire à plein temps me voici :) Je commence par un des meilleurs stages imaginable on earth : les urgences ! Bon, assez logiquement, je squatte la traumato+++, appel du porte-aiguille oblige. A ce propos, un truc m'a, excusez le jargon technique, foutu les boules grave... Voici donc les zamis, l'histoire de la viiiiiiiiiiiie du patient Emilien Cut&bleed.

 

 

 

Fin d'après-midi plutôt chargé (tous les hôpitaux du pays sont pleins à craquer, c'est la jungle un peu partout), mon 6ème sens chirurgical (ok, comprendre "le tableau blanc où tous les patients sont notés") me signale qu'un patient vient d'être enregistré sous le motif magique "Plaie/Abcès" (ce qui, 8 fois sur 10 veut dire "Bobo a suturer")...

 

Sautant sur toute occasion de faire de la petite chirurgie, je me ruai assez rapidement sur la fiche d'admission et couru chercher le-dit patient en salle d'attente afin de l'installer dans un box spécialement dédié aux sutures.

Ma première surprise fut à l'appel du-dit patient.En effet, il faut savoir que lorsque des gens se présentent en salle d'urgence après s'être coupés, ils viennent le plus rapidement possible, habillés n'importe comment et, surtout, avec du sang un peu partout/un vieux torchon autour du doigt/un pansement de fortune au pied (ça me fait d'ailleurs penser que je dois raconter un autre truc ça), en résumé, avec des signes extérieurs qui signifient très clairement "Docteur, me suis coupé, ça saigne, vais-je mourir/perdre un membre/pouvoir aller skier dans 2 jours ?".

Ce n'était pas le cas ici.

Ce bonhomme était habillé correctement, sans bandage visible, ni aux mains, ni aux pieds. Je tiquai... Serait-ce... Un abcès ? Va-t-il falloir inciser une masse remplie d'un liquide qui sent pas bon et qui traine là depuis "au moins tout ça" ?

En attendant toute précision, je l'installai donc en "box suture" et débuta un dialogue qui commença à me secouer un peu :

 

-"Je vous écoute, que se passe-t-il ?"

-"Me suis coupé..."

-"Oui... Bien, où ça ?"

-"Ben là, là et là" (en me montrant ses deux avant-bras et son ventre)

-"Hmmmm... Ok... Et comment est-ce arrivé ?"

-"Avec mon rasoir."

-"Avec votre rasoir ?"

-"Oui, avec mon rasoir."

Insérez un blanc de 5 secondes ici qui correspond à un grand "What the f******ck ?!?" dans ma tête associé à la peur de tomber sur 3 ridicules griffes.

-"Quoi, c'était un rasoir à l'ancienne, un de ses grand truc de barbier ?"

-"Non non, c'était un petit rasoir jetable, en plastique. Mais je l'avais démonté pour juste prendre les lames"

Là, je commençai à ressentir un semblant de début de "TILT"

-"Et c'est arrivé comment exactement ?"

-"Ben je me suis coupé quoi !"

 

Le véritable "TILT" se passa ici : pas de pansement/torchon/vieille chemise car les plaies était de toute évidence placées pour ne pas être remarquées à première vue, ce n'était très probablement pas des petites éraflures accidentelles de rasage mais bien de véritables coupures profondes, nettes, multiples et, ce qui était l'objet du "TILT", volontaires.

 

Après un semblant de reste d'interrogatoire (tétanos et tout le tralala), place au débalage. Je découvrit donc, sous des tonnes de pansements, BEACOUP de plaies, moyennement récentes, et encore plus de cicatrices. En commençant a refermer tout ça, j'appris que ce monsieur était un habitué (merci, j'avais cru comprendre), actuellement suivi en psychiatrie. Deuxième TILT, l'air un peu obnubilé que je comprennais pas trop depuis le début s'expliquait par un mot : neuroleptique.

 

Bon, ça me pris grosso modo une heure à tout refermer, une heure de dialogue entre-coupé de longs silences, pesants, rompus uniquement par le cliqueti de mon porte-aiguille, heure au terme duquel ce patient disparut dés le dernier pansement collé, comme il était apparu, sans un mot, avec sa démarche atypique et son visage sans expression. C'est bon, j'étais secoué.

 

Définitivement, la psychiatrie est confrontée à la violence de 1001 manières différents.

 

 

- J'ai bien évidemment changé toute l'histoire (sauf la description des lésions) afin d'en faire un récit de fiction, toute situation ressemblant à ce qui est décrit ici ne le serait que par pure coïncidence fortuite (et il ne sert à rien de me mailer/laisser des commentaires disant "hey mais ça m'est arrivé, ça doit être moi" car ma réponse sera invariablement "non, cette histoire est inventée de toute pièce". -

Publié dans Brêves de stage

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